22/07/2025

Comprendre la conduction aérienne et la conduction osseuse : deux voies de l’audition à connaître

Pourquoi parler de conduction aérienne et de conduction osseuse ?

L’audition résulte d’un enchaînement de processus complexes au sein de l’oreille. Quand une difficulté auditive apparaît, il est fréquent d’entendre parler de conduction aérienne et de conduction osseuse, deux mécanismes essentiels mais très différents. Comprendre ces deux termes est clé pour interpréter les tests auditifs, orienter la prise en charge et mieux comprendre toute la diversité des surdités.

Dans le département de la Seine-Saint-Denis comme ailleurs en France, près de 16 % des habitants déclarent souffrir d’une gêne auditive modérée à profonde (Source : Enquête Handicap-Santé, DREES, 2021). Or, les tests audiométriques reposent largement sur la comparaison de la conduction aérienne et osseuse. Mais quelle distinction réelle existe-t-il entre ces deux conductions ? À quoi servent-elles concrètement dans la prise en charge de l’audition ?

La conduction aérienne : la voie naturelle du son

Le principe

La conduction aérienne désigne le cheminement du son depuis l’environnement extérieur, à travers l’air, jusqu’au système auditif interne. C’est la façon « classique » d’entendre, qui mobilise l’oreille externe (pavillon et conduit auditif), puis l’oreille moyenne (tympan et osselets), et enfin l’oreille interne (cochlée).

  • Étape 1 : Le son entre par le pavillon et le conduit auditif.
  • Étape 2 : Il fait vibrer le tympan.
  • Étape 3 : Les osselets (marteau, enclume, étrier) amplifient la vibration et la transmettent à la cochlée dans l’oreille interne.
  • Étape 4 : Les cellules ciliées de la cochlée traduisent les vibrations en signaux électriques pour le cerveau via le nerf auditif.

Exemple concret

Une conversation, le chant d’un oiseau, une sirène de pompier : tous ces sons utilisent cette voie aérienne. C’est la plus sollicitée au quotidien.

L’importance en diagnostic

L’audiométrie tonale utilise des écouteurs placés sur l’oreille, envoyant les sons via la conduction aérienne. Ce test mesure précisément la capacité de l’oreille à percevoir les sons, toutes fréquences confondues. Un déficit constaté ici peut évoquer une surdité de transmission ou de perception, mais doit toujours être complété par la conduction osseuse pour affiner le diagnostic.

La conduction osseuse : une voie alternative, mais essentielle

Le principe

La conduction osseuse correspond au cheminement du son directement transmis par les vibrations des os du crâne, sans passer par le conduit auditif ni le tympan. Un vibreur, généralement positionné derrière l’oreille sur la mastoïde, envoie des vibrations mécaniques transmises directement à la cochlée de l’oreille interne.

  • Étape 1 : Le vibrateur osseux émet des vibrations contre l’os de la tête.
  • Étape 2 : Les vibrations atteignent directement la cochlée, contournant l’oreille externe et moyenne.
  • Étape 3 : Comme en conduction aérienne, la cochlée transmet l’information nerveuse au cerveau.

Illustration du quotidien

Poser son oreille contre une table pour écouter une vibration, ou percevoir sa propre voix différemment quand on parle (car le crâne vibre aussi) sont des expériences qui mettent en jeu la conduction osseuse. Certains festivals de musique ont même proposé des vestes vibrantes pour faire ressentir la musique via les os à des personnes sourdes profondes (Source : France Inter, 2022).

Son rôle dans les examens auditifs

En audiométrie, la conduction osseuse permet de tester spécifiquement le fonctionnement de l’oreille interne, en « court-circuitant » les éventuels problèmes d’oreille externe ou moyenne (bouchon de cérumen, otite, perforation du tympan…). Elle révèle donc, seule, la présence d’une surdité de perception (atteinte cochlée ou nerf auditif).

Les différences clés entre conduction aérienne et conduction osseuse

Caractéristique Conduction aérienne Conduction osseuse
Chemin du son Air → oreille externe → tympan → osselets → cochlée Vibrations → os du crâne → cochlée
Structures sollicitées Oreille externe, moyenne, interne Oreille interne uniquement
Matériel utilisé (audiométrie) Casque audio/écouteurs Vibreur osseux (placé sur mastoïde)
Pathologies évaluées Toutes (transmission et perception) Perception uniquement (oreille interne/nerf)
Utilisation en appareillage Appareils auditifs classiques Prothèses à conduction osseuse (BAHA…)

Pourquoi tester les deux conduction lors d’un bilan auditif ?

L’utilisation conjointe de la conduction aérienne et osseuse, lors d’une audiométrie, offre un outil diagnostique d’une grande précision. On distingue ainsi deux grands types de surdités :

  • Surdité de transmission : Altération de l’oreille externe ou moyenne uniquement (par exemple, bouchon, malformation, otite). La conduction aérienne est diminuée, alors que la conduction osseuse reste normale.
  • Surdité de perception : Atteinte de la cochlée ou du nerf auditif (par exemple, presbyacousie, surdité brusque, toxicité médicamenteuse). Les deux conductions sont diminuées et souvent proches l’une de l’autre.
  • Surdité mixte : Les deux mécanismes sont atteints (ex : otosclérose évoluée), la perte étant plus importante en conduction aérienne qu’en osseuse.

Les tests auditifs peuvent, grâce à cette double exploration, repérer rapidement si la problématique se situe au niveau de la transmission du son (problème mécanique) ou de la perception (atteinte sensorielle et nerveuse), ce qui oriente ensuite le traitement – médical, chirurgical ou prothétique.

Des outils adaptés à chaque conduction

Les appareils auditifs « classiques » et la conduction aérienne

Les appareils auditifs conventionnels (contours d’oreille, intra-auriculaires…) fonctionnent sur le principe de la conduction aérienne : ils amplifient les sons et les dirigent de nouveau via l’air vers le conduit auditif et le tympan. Leur efficacité dépend donc du bon fonctionnement, au minimum, de la chaîne ossiculaire et du tympan.

Les implants et prothèses à conduction osseuse

Pour les personnes dont l’oreille externe ou moyenne est défaillante de manière irréversible (malformation, agénésie auriculaire, otites chroniques…), des systèmes de conduction osseuse sont disponibles. Ces dispositifs, appelés par exemple BAHA (Bone Anchored Hearing Aid), sont soit posés derrière l’oreille sur la mastoïde, soit portés sur serre-tête pour les enfants. Selon la Haute Autorité de Santé, environ 700 à 800 implants à conduction osseuse sont posés chaque année en France (HAS, 2023).

  • Ces dispositifs contournent entièrement l’oreille externe et moyenne.
  • Ils permettent d’entendre même en cas d’absence totale de pavillon ou de conduit auditif fermé (atrésie).

À noter : tous les types de surdité ne sont pas éligibles à ce type de prothèse, il faut que l’oreille interne (cochlée) soit fonctionnelle.

Anecdotes et faits singuliers autour des conductions aérienne et osseuse

  • Beethoven, atteint d’une surdité progressive, aurait utilisé la conduction osseuse en serrant une baguette de bois entre ses dents, l’autre extrémité posée sur son piano, pour essayer de percevoir les notes vibrer dans son crâne (Source : Orpha.net, Beethoven’s Hearing Loss).
  • Un test clinique simple utilisé par les médecins depuis le XIXe siècle, le test de Rinne, compare la perception d’un diapason sur la mastoïde (os) puis devant l’oreille (air) pour repérer un trouble de transmission.
  • Les casques audio à conduction osseuse, très populaires chez les sportifs, laissent le conduit auditif libre pour permettre de rester attentif à son environnement. Ils montrent l’intérêt sécuritaire de cette voie, mais leurs performances sont moindres pour les sons aigus complexes.

Questions fréquentes autour de ces conductions et réponses d’expert

  • La conduction osseuse peut-elle compenser une oreille totalement sourde ?

    Non, si la cochlée est non fonctionnelle, aucune voie (même par les os) ne rétablira l’audition. Seuls les implants cochléaires (qui stimulent directement le nerf) peuvent alors être discutés.

  • Pourquoi n’utilise-t-on pas la conduction osseuse systématiquement pour tous ?

    La conduction osseuse est surtout utile lorsque l’oreille externe ou moyenne est abîmée, mais que la cochlée fonctionne. Chez la plupart des adultes avec une presbyacousie, les appareils par voie aérienne restent plus efficaces au quotidien et moins coûteux.

  • Est-ce douloureux ?

    Les tests de conduction osseuse sont indolores. Pour les implants, une petite intervention chirurgicale est nécessaire, mais l’adaptation se déroule en général sans douleur majeure.

Perspectives : l’intérêt de bien distinguer ces deux voies pour mieux agir en santé auditive

La distinction entre conduction aérienne et conduction osseuse va bien au-delà d’un simple détail technique. Elle représente la clé de voûte du diagnostic en audiologie, conditionne les décisions thérapeutiques et sous-tend le choix des solutions d’appareillage. En maîtrisant ces fondamentaux, il devient plus facile de comprendre les comptes-rendus d’audiogrammes et d’anticiper une prise en charge individualisée.

En Seine-Saint-Denis, où l’accès à l’information sur la santé auditive doit encore progresser, la pédagogie autour de ces notions permettra à chacun de devenir acteur de sa propre audition. Les innovations technologiques, les nouveaux tests et la sensibilisation à l’importance d’un bilan auditif précoce sont autant d’axes pour accompagner les habitants vers une meilleure qualité de vie, en prenant soin de leur capital auditif.

Sources : Haute Autorité de Santé (HAS), DREES (Enquête Handicap-Santé), France Inter, Orpha.net, Fédération Française des Associations d’Implantés Cochléaires.

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