24/09/2025

Comprendre pourquoi certaines personnes perdent l’audition en vieillissant : plus qu’une question d’âge ?

Perte auditive liée à l’âge : de quoi parle-t-on ?

La presbyacousie, terme médical pour désigner la perte auditive liée à l’âge, est un phénomène fréquent qui concerne principalement les personnes de plus de 60 ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’une personne sur trois après 65 ans souffre d’une déficience auditive significative (OMS). Contrairement aux idées reçues, la presbyacousie n’est pas un processus identique pour tous. Certains vieillissent sans perte auditive notable, quand d’autres sont rapidement touchés, parfois sévèrement.

Mais pourquoi cette inégalité ? Plusieurs facteurs, souvent interconnectés, entrent en jeu et influencent la santé de notre audition à mesure que nous prenons de l’âge. Décryptage des causes, des mécanismes et des différences, avec une attention portée à ce que la science nous apprend.

Un processus naturel… mais loin d’être uniforme

La perte auditive liée au vieillissement résulte d’une usure progressive des cellules sensorielles de l’oreille interne, les fameuses cellules ciliées. Avec le temps, ces dernières s’abîment ou disparaissent, rendant la transmission des sons de plus en plus difficile. Cependant, cette dégradation varie fortement d’une personne à l’autre : le capital auditif n’est pas le même pour tous, et le rythme de détérioration varie.

  • La majorité des pertes auditives débutent dans les fréquences aiguës (sons aigus difficilement perçus, voix féminines ou d’enfants, compréhension réduite dans le bruit).
  • L’apparition des troubles, leur intensité et leur évolution sont très variables selon les individus.

On observe que certaines personnes conservent une bonne audition à 80 ans, tandis que d'autres doivent s’équiper dès la soixantaine. Des chercheurs estiment même qu’il existe jusqu’à 50 % de variabilité individuelle dans la rapidité de la dégradation auditive (Revue "Hearing Research").

Génétique : une part du destin auditif

Les avancées scientifiques ont montré que le patrimoine génétique influence de manière significative la santé auditive à long terme. Des études menées sur des jumeaux et de grandes cohortes familiales suggèrent qu’entre 30 et 55 % du risque de presbyacousie est d’origine héréditaire (Otology & Neurotology).

  • Certains variants génétiques, comme ceux présents sur le gène GRM7 ou sur le chromosome 8, sont associés à un risque plus élevé de développer une presbyacousie précoce (Europe PMC).
  • Les antécédents familiaux de surdité précoce augmentent le risque que les descendants soient également concernés.

Cependant, génétique ne rime pas avec fatalité. Ceux ayant un profil génétique défavorable peuvent modérer leur risque par des choix de vie adaptés et une prévention attentive.

Facteurs environnementaux : quand le mode de vie façonne l’audition

Si le patrimoine génétique pose un cadre, l’environnement dans lequel nous évoluons depuis l’enfance peut accélérer ou ralentir la perte auditive. Plusieurs facteurs clés ont été identifiés :

  • Exposition au bruit : Le bruit chronique joue un rôle central dans la variabilité de la presbyacousie. Selon l’INRS, 12 % des pertes auditives d’origine professionnelle touchent les 75-79 ans (INRS).
  • Consommation de substances toxiques : Le tabac et l’alcool à fortes doses aggravent la toxicité pour l’oreille interne, tout comme des médicaments ototoxiques (certains antibiotiques, anti-inflammatoires, traitements du cancer).
  • Pollution de l’air : Les particules fines (PM2,5) impacteraient la microcirculation sanguine de l’oreille, selon une étude sud-coréenne parue dans le "International Journal of Epidemiology" en 2021.

Des différences importantes existent ainsi entre les populations urbaines exposées au bruit et à la pollution, et les zones moins impactées. La Seine-Saint-Denis, par exemple, cumule des risques liés au trafic routier, aux industries et à la densité de population.

Rôle des maladies chroniques et de l’état de santé général

Plusieurs troubles de santé, fréquemment rencontrés après 60 ans, peuvent accélérer la dégradation de l’audition. Les plus notables sont :

  • Le diabète : Il double pratiquement le risque de souffrir de perte auditive modérée à sévère (JAMA Internal Medicine), en raison de ses effets sur les vaisseaux sanguins et les nerfs de l’oreille interne.
  • L’hypertension artérielle : Altère également la vascularisation fine de la cochlée (organe sensoriel de l’oreille interne).
  • L’insuffisance rénale chronique : Elle est associée à un risque accru de déficience auditive, les reins et l’oreille interne partageant des mécanismes physiologiques similaires.
  • Surpoids, troubles cardiovasculaires, apnée du sommeil : Autant de pathologies qui aggravent ou précipitent la perte auditive avec l’âge.

De plus, la prise de certains médicaments pour traiter ces affections, tels que les diurétiques ou certains anticancéreux, peut également avoir un effet toxique sur l’oreille.

Inégalités sociales et accès aux soins : un enjeu majeur

Les disparités sociales jouent un rôle déterminant. Selon le Baromètre de Santé publique France (édition 2022), les personnes avec un faible niveau d’éducation ou de revenu présentent une prévalence deux à trois fois supérieure de perte auditive non corrigée.

  • Un accès tardif au dépistage et à la prévention.
  • Moins d’informations sur les risques liés au bruit et à l’hygiène de vie.
  • Des freins financiers à l’acquisition d’appareils auditifs, longtemps peu ou mal remboursés.

Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, ces freins sont particulièrement marqués : taux plus élevé d’exposition à des emplois bruyants, accès complexe à l’ORL et retard dans l’adaptation des aides auditives. Les données médicales suggèrent que les différences socio-économiques expliquent jusqu’à 35 % de la variabilité de la perte auditive avec l’âge (The Lancet).

Pourquoi certaines personnes sont-elles “protégées” ?

À l’inverse, certains profils semblent moins concernés par la presbyacousie ou voient cette dernière apparaître beaucoup plus tard. Plusieurs facteurs protecteurs sont identifiés :

  1. Hygiène de vie : Les personnes pratiquant une activité physique régulière, ayant une alimentation équilibrée et modérant leur consommation de sucre, de sel, d’alcool et de tabac, observent un déclin auditif ralenti (Etude Framingham Offspring, 2020).
  2. Peu ou pas d’exposition au bruit chronique : Moins de concerts, d’activités professionnelles bruyantes, ou encore utilisation de protections auditives.
  3. Prédispositions génétiques positives : Certains gènes codent mieux la protection ou la réparation des cellules ciliées.
  4. Absence ou meilleure gestion des pathologies chroniques : Notamment grâce à un dépistage régulier et une prise en charge médicale adaptée.

De plus, certaines populations, comme les habitants de régions rurales peu industrialisées, présentent des taux de surdité liés à l’âge significativement plus faibles.

Quels signes doivent alerter ?

La presbyacousie s’installe généralement de façon insidieuse. Beaucoup de personnes pensent entendre “moins bien”, mais sous-estiment la réalité des troubles ou l'attribuent à la simple “fatigue”. Les signes les plus courants sont :

  • Besoin de faire répéter, surtout dans le bruit.
  • Difficulté à suivre des conversations téléphoniques.
  • Sensation que les autres “n’articulent pas suffisamment”.
  • Augmentation du volume de la télévision ou de la radio.
  • Tendance à s’isoler dans les réunions ou repas de groupe.

Se faire dépister rapidement permet d'agir avant que le handicap ne s’installe, de maintenir le lien social et d’éviter des conséquences sur la mémoire ou la santé mentale.

Prévenir et freiner le déclin auditif : que peut-on réellement faire ?

Si l’on ne maîtrise pas la génétique ou le passé, il reste possible d’influer sur la vitesse de la perte auditive grâce à une approche préventive :

  • Protéger ses oreilles du bruit : Casque ou bouchons en environnement bruyant, limiter l'écoute prolongée au casque, préférer les lieux calmes si possible.
  • Gérer ses facteurs de risque médicaux : Surveillance du diabète, de la tension, du cholestérol, dépistage régulier des pathologies chroniques.
  • Consulter régulièrement : Bilan auditif autour de 60 ans (ou avant, en cas d’antécédents familiaux), examens plus rapprochés en cas d’exposition à des facteurs de risque.
  • Adopter de bons réflexes de vie : Éviter le tabac, l’alcool excessif, pratiquer une activité physique adaptée et variée, privilégier un régime “protecteur” (fruits, légumes, oméga-3, vitamines).

Ces mesures sont d’autant plus efficaces qu’elles sont initiées tôt et maintenues dans la durée. Un suivi auprès de professionnels de l’audition permet d’agir précocement en cas de changement, d’obtenir des informations sur les aides auditives ou sur les démarches de soins, spécifiquement en Seine-Saint-Denis.

Perspectives : la recherche avance, l’inégalité demeure

La compréhension des mécanismes de la presbyacousie progresse, ouvrant la voie à des thérapies ciblées : essais cliniques sur des molécules visant à protéger ou régénérer les cellules de l’oreille, améliorations dans la miniaturisation et la performance des appareils auditifs, solutions d’accompagnement personnalisées. Néanmoins, il restera essentiel de poursuivre les efforts pour réduire les inégalités d’accès au dépistage et à la correction, champs dans lesquels la sensibilisation locale et les relais de proximité (comme en Seine-Saint-Denis) prennent tout leur sens.

Bien vieillir avec une bonne audition n’est pas seulement une question de chance ou d’hérédité, mais le fruit d’un ensemble de choix, de conditions de vie et de vigilance au fil du temps. La prévention et l’information demeurent les piliers principaux pour agir sur ce facteur-clé de la qualité de vie après 60 ans.

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