18/07/2025

Cellules ciliées de l’oreille interne : piliers invisibles de l’audition

L’architecture de l’oreille interne : où résident les cellules ciliées ?

L’oreille humaine est un organe aux dimensions modestes mais d’une complexité remarquable. Sa partie la plus intime, l’oreille interne, abrite la cochlée, un conduit spiralé de moins de 1 cm² qui reste pourtant fondamental à notre perception du monde sonore. C’est dans ce labyrinthe osseux, au cœur de la cochlée, que se trouvent les protagonistes de cet article : les cellules ciliées.

La cochlée humaine compte environ 15 000 à 20 000 cellules ciliées sur ses deux oreilles (source : Institut Pasteur). Disposées en lignes parallèles, ces cellules se répartissent en :

  • Cellules ciliées internes : environ 3 500 par cochlée, principalement responsables de la transduction des sons en signaux électriques transmis au cerveau.
  • Cellules ciliées externes : environ 12 000 par cochlée, ayant une fonction d’amplification mécanique du signal sonore.
Bien que minuscules, ces cellules spécialisées sont essentielles à l’audition ; leur destruction est irréversible chez l’humain, entraînant une surdité permanente.

La mécanique fine : comment les cellules ciliées transforment le son

Le principe central de notre audition est la transduction mécanique-électrique : transformer une vibration mécanique (le son) en signal nerveux. Examinons le parcours d’un son.

  • Le pavillon capte les ondes sonores, lesquelles transitent dans le conduit auditif jusqu’au tympan.
  • Le tympan vibre, transmettant l’énergie aux osselets de l’oreille moyenne (marteau, enclume, étrier).
  • L’étrier pousse sur l’entrée de la cochlée (la fenêtre ovale), induisant la propagation d’une onde dans le liquide cochléaire.
  • Cette onde met en mouvement la membrane basilaire de la cochlée : chaque fréquence sonore correspond à une zone précise de cette membrane (principe de tonotopie cochléaire).

C’est précisément sur cette membrane que résident les cellules ciliées, dont les cils (stéréocils) sont inclinés et stimulés mécaniquement par l’onde.

Mécanisme de transduction :

  • Les stéréocils ont des extrémités reliées entre elles par des filaments (tip links).
  • Lorsque les cils sont inclinés par le mouvement du liquide, ces liens s’étirent et ouvrent des canaux ioniques.
  • Un flux d’ions potassium puis de calcium pénètre dans la cellule, générant un signal électrique.
  • Ce signal est transmis aux fibres nerveuses auditives, envoyant l’information vers le cerveau.

Une cellule ciliée interne peut ainsi transmettre jusqu’à 700 impulsions nerveuses par seconde (source : CNRS). Cette capacité extrême explique la précision du système auditif humain.

Différences majeures entre cellules ciliées internes et externes

Les rôles des deux types de cellules ciliées sont complémentaires :

Cellules ciliées internes Cellules ciliées externes
  • Forment une seule rangée
  • Assurent 90 à 95 % du signal auditif transmis au cerveau
  • Permettent la perception fine des fréquences
  • Trois rangées parallèles
  • Amplifient les vibrations mécaniques de la membrane basilaire
  • Augmentent la sensibilité et la sélectivité en fréquence (jusqu’à 1000 fois)

Ce système d’amplification biologique explique pourquoi une petite perte de cellules ciliées externes peut entraîner une surdité rapidement notable, surtout dans le bruit ou les environnements complexes.

La fragilité des cellules ciliées : une cible des agressions sonores et toxiques

Contrairement à de nombreux autres types cellulaires, les cellules ciliées humaines ne se renouvellent pas. Leur vulnérabilité face aux agressions est donc un enjeu majeur de santé publique.

  • Les traumatismes sonores : une exposition prolongée à un niveau sonore supérieur à 85 dB (par exemple lors d’un concert ou à proximité d’outils bruyants) provoque la destruction de stéréocils, puis de la cellule entière.
  • L’ototoxicité médicamenteuse : certains antibiotiques (aminosides), chimiothérapies, ou anti-malariques peuvent détruire définitivement ces cellules.
  • Le vieillissement (presbyacousie) : avec l’âge, la perte progressive de cellules ciliées explique une grande part de la presbyacousie, cause principale de surdité après 65 ans (source : Inserm).

Il est estimé qu’à 80 ans, la moitié des cellules ciliées externes peut être détruite, réduisant fortement l’audition des aigus et la compréhension dans le bruit (source : Hearing Health Foundation).

Signes d’alerte d’une atteinte des cellules ciliées

L’atteinte des cellules ciliées se traduit par plusieurs manifestations caractéristiques :

  • Difficulté à comprendre la parole dans le bruit ou les conversations de groupe
  • Baisse progressive de la perception des sons aigus : voix féminines, cloches, oiseaux...
  • Apparition d’acouphènes (sifflements ou bourdonnements d’oreille)
  • Hypersensibilité à certains sons (“recruitment”)
La plupart de ces signes ne sont pas douloureux et conduisent souvent à un retard de diagnostic.

Pourquoi les cellules ciliées ne repoussent-elles pas chez l’humain ?

Chez les oiseaux ou les reptiles, les cellules ciliées peuvent se reformer spontanément après une lésion. Ce n’est malheureusement pas le cas chez les mammifères adultes.

  • Les cellules de soutien autour des cellules ciliées ne conservent pas de capacité de régénération chez l’humain.
  • La perte d’une cellule ciliée conduit donc à une lésion permanente de la chaîne de l’audition.
  • Les scientifiques travaillent à comprendre les signaux qui stoppent cette régénération après la naissance – la piste des facteurs de croissance et des gènes bloqueurs est actuellement la plus étudiée (source : Nature Reviews Neuroscience).

Depuis les années 2010, la thérapie génique, les molécules pharmacologiques ou encore les technologies de cellules souches sont explorées avec des premiers résultats encourageants chez la souris (Inserm, 2019). Mais aucune solution clinique n’est disponible à ce jour pour régénérer ces cellules humaines.

Prévenir la perte : gestes simples pour protéger ses cellules ciliées

La préservation des cellules ciliées reste actuellement la meilleure stratégie. Quelques pratiques fondées sur les recommandations d’experts :

  • Limiter le volume sonore : écouteurs, concerts, chantiers… privilégier des niveaux sonores inférieurs à 85 dB et jamais plus de 1 heure à niveau élevé.
  • Utiliser des protections auditives adaptées lors d’expositions à risques (bouchons, casques anti-bruit).
  • Éviter l’auto-médication : certains médicaments sont ototoxiques.
  • Faire surveiller son audition régulièrement, en particulier à partir de 50 ans ou en cas d’antécédents familiaux.
De manière générale, mieux vaut anticiper et consulter un professionnel de l’audition dès l’apparition de premiers signes.

Les découvertes récentes et perspectives de la recherche

Les dernières années ont vu émerger des avancées majeures :

  • En 2022, une équipe de l’Université de Harvard a identifié les signaux biochimiques inhibant la régénération des cellules ciliées humaines (source : Science Advances).
  • La société Frequency Therapeutics a conduit des essais cliniques avec une molécule visant à stimuler la prolifération des cellules de soutien et leur transformation en cellules ciliées (résultats initiaux encourageants, vérifier la littérature pour la suite).
  • Les chercheurs français de l’Inserm ont manipulé avec succès l’expression de certains gènes chez la souris pour induire la formation de nouvelles cellules ciliées, ouvrant la voie à de futurs traitements géniques.

Enfin, comprendre le fonctionnement précis de ces cellules ouvre aussi des perspectives dans la conception des implants cochléaires : les implants “de nouvelle génération” cherchent à imiter au mieux la délicatesse des cellules ciliées dans la restitution des fréquences.

Pour aller plus loin : ouvrir le dialogue sur la prévention auditive

L’extraordinaire sophistication des cellules ciliées de l’oreille interne explique le caractère irremplaçable de leur action. Si les traitements curatifs restent à venir, agir sur la prévention et l’éducation au risque sonore est central pour préserver ce capital auditif.

A l’heure où plus d’un Français sur dix vit avec une perte auditive (source : Baromètre Santé publique France, 2021), connaître et comprendre le rôle de ces cellules est un premier pas vers un dépistage et une prise en charge précoces.

  • Des initiatives locales comme la Journée Nationale de l’Audition (JNA) proposent chaque année des tests gratuits de dépistage et des ateliers de prévention, notamment en Seine-Saint-Denis.
  • Les bilans auditifs réguliers avec des professionnels de santé demeurent l’outil le plus efficace de détection précoce.

Informer autour de soi, sensibiliser les plus jeunes aux risques sonores, se protéger lorsque c’est nécessaire : autant de gestes qui, grâce à la connaissance du fonctionnement des cellules ciliées, prennent toute leur importance pour l’avenir de l’audition de chacun.

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