L’accompagnement de l’audition en résidence sénior : enjeux et pratiques en Seine-Saint-Denis

En France, plus de 10 millions de personnes souffrent de troubles de l’audition, dont près de la moitié a plus de 65 ans (Société Française d’Audiologie). Dans un territoire urbain et dense comme la Seine-Saint-Denis, ces chiffres prennent un relief particulier. Le vieillissement de la population départementale s’accélère : on estime à plus de 90 000 le nombre de séniors de 60 ans et plus dans le 93 en 2021, soit une hausse de 30% en quinze ans (INSEE).

Avec l’âge, la presbyacousie, c’est-à-dire la baisse progressive de l’audition, est l’une des affections chroniques les plus courantes : 65 % des 75 ans et plus déclarent une gêne auditive (Santé Publique France). Pourtant, les troubles auditifs restent encore mal repérés et peu accompagnés, alors qu’ils sont associés à un risque accru d’isolement social, de dépression, et de perte d’autonomie.

Les résidences sénior (résidences autonomie, foyers-logements, résidences services) accueillent aujourd’hui une part croissante des séniors du département. À la différence des EHPAD, elles sont conçues pour permettre à des personnes âgées autonomes ou semi-autonomes de continuer à vivre dans un cadre sécurisé tout en préservant leur indépendance.

• Un cadre propice à la prévention : Les résidences sénior offrent un environnement collectif où la détection précoce des difficultés auditives peut être facilitée par la vie en groupe et la présence régulière de personnels formés.
• Un accès facilité aux professionnels : Les équipes sur place travaillent souvent en collaboration avec les médecins traitants, audioprothésistes et orthophonistes du territoire, organisant parfois des actions collectives de dépistage.
• Un soutien social déterminant : Vivre en résidence favorise le lien social, élément crucial dans le maintien des capacités de communication — une dimension profondément liée à la santé auditive.

Le repérage précoce des troubles auditifs est une priorité dans les établissements accueillant des personnes âgées. En Seine-Saint-Denis, plusieurs initiatives rejoignent ces objectifs :

• Organisation de journées de dépistage : Ces interventions, le plus souvent menées en partenariat avec des audioprothésistes du secteur, permettent de sensibiliser les résidents et de repérer les troubles en amont. En 2023, sur une dizaine de résidences visitées, près de 22 % des résidents testés présentaient un déficit auditif nécessitant une prise en charge (source : résultats d’ateliers pilotés par le réseau Audition Mutualiste d’Île-de-France).
• Ateliers de prévention : Certains établissements, comme les résidences autonomie municipales d’Aulnay-sous-Bois ou de Saint-Ouen, développent des modules d’information sur la préservation de l’audition (protection contre le bruit, bons réflexes, hygiène des oreilles, familiarisation avec les appareils auditifs disponibles).
• Formations des équipes : Les agents de vie sociale et les coordinateurs de résidence reçoivent de plus en plus, via des modules mutualisés, une sensibilisation aux signes d’alerte de la perte auditive (désorientation, retrait social, demandes de répétition fréquentes…).

Cette multiplicité d’actions contribue à lutter contre l’invisibilité de la surdité chez les personnes âgées, qui peut être plus difficile à identifier que d’autres troubles sensoriels ou moteurs.

La Seine-Saint-Denis se caractérise par une offre de santé parfois inégale, avec certains quartiers dits « déserts médicaux ». Or les démarches d’appareillage restent complexes pour les aînés isolés ou sans proches aidants. Les résidences sénior jouent un rôle central, en :

• Aidant les résidents à prendre rendez-vous avec des audioprothésistes ou des médecins ORL, souvent via la coordination sociale de la structure.
• Proposant l’accueil d’interventions de professionnels au sein même de la résidence (dépistages sur place, séances de réglages d’appareils auditifs).
• Soutenant les démarches administratives pour l’obtention d’aides, comme l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) ou la prise en charge à 100 % du reste à charge sur les prothèses auditives depuis 2021 (service-public.fr).
• Accompagnant la maintenance et le bon fonctionnement des aides techniques : changement des piles, petits dépannages, nettoyage, rappel des consignes d’entretien, signalement de dysfonctionnement.

Si le modèle des résidences sénior offre un cadre favorable, plusieurs freins demeurent dans l’accompagnement auditif :

1. Stigmatisation et déni de la perte auditive : De nombreux résidents restent dans la gêne sans l’exprimer, par crainte d’être mis à l’écart ou de s’inquiéter de la réaction de l’entourage. Une étude menée par la CNSA en 2022 souligne que 54 % des aînés concernés attendent plus de deux ans avant de consulter un spécialiste.
2. L’offre mobile à renforcer : Les interventions à domicile ou en résidence d’audioprothésistes manquent de régularité dans certains secteurs du 93, freinant le suivi et le réglage des appareils.
3. L’accès à l’information encore inégal : Malgré la mobilisation des équipes, il existe parfois un manque de documents accessibles, ou d’animations adaptées aux différents niveaux de compréhension et de maîtrise du français, dans un département marqué par la diversité linguistique et culturelle.

Les initiatives les plus efficaces sont souvent portées localement, à l’échelle de la résidence. Voici quelques exemples relevés en 2023 :

• Résidence autonomie de Neuilly-sur-Marne : une convention annuelle avec un audioprothésiste permet le passage régulier d’un professionnel tous les trimestres, pour du suivi, du réglage et la résolution de petits soucis techniques. 68 % des résidents équipés participent à ces ateliers (source : rapport interne du CCAS).
• Résidence services de La Courneuve : des “cafés de l’audition” mensuels réunissent résidents et proches pour échanger sur les difficultés rencontrées, partager des astuces, et profiter de mini-conférences animées par des orthophonistes. Plus de 35 personnes y participent chaque mois, avec des retours positifs sur la dédramatisation de l’appareillage auditif.

Par ailleurs, le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis propose, via ses Points d’Information Autonomie, des outils pour orienter au mieux les séniors des résidences souhaitant réaliser un bilan auditif ou équiper un appareil. Ce maillage de proximité apparaît comme une force, au service de parcours plus fluides et évitant l’isolement face à la perte auditive.

La préservation de l’audition s’impose comme un enjeu clé du « bien vieillir » en Seine-Saint-Denis. De multiples études internationales, relayées en France par l’INSERM et la HAS, confirment que l’appareillage d’une perte auditive non corrigée diminue de 39 % le risque de déclin cognitif au-delà de 65 ans. De surcroît, le maintien de la capacité à dialoguer et à s’engager dans la vie sociale permet de limiter la dépression, l’apathie, la perte de mobilités — autant de facteurs liés à la dépendance.

Les résidences sénior du département, grâce à leurs actions de sensibilisation, de repérage et d’accompagnement, s’affirment comme des partenaires essentiels pour aider les personnes âgées à conserver leur qualité de vie et à rester acteurs de leur santé. La consolidation de ces efforts, associée à la mobilisation des professionnels de santé de proximité, constitue un chemin prometteur vers une prise en compte toujours plus globale des troubles auditifs au sein du territoire.

• Coordonnées des Points d’Information Autonomie 93 : accessibles via le site du Conseil Départemental
• Lien : réseaux d’audioprothésistes du département : Annuaire-Audition
• Contact pour les professionnels de résidences : plateformes de services aux établissements (disponibles auprès de l’Agence Régionale de Santé Île-de-France)

La mobilisation collective doit se poursuivre afin que chaque résident accède aux solutions auditives les plus adaptées, pour mieux s’entendre… et mieux vivre à tout âge, en Seine-Saint-Denis.